vendredi 27 janvier 2017

banderole apolitique - le MEDEF a gagné




Michail Flagada
hominidiégétique - 1914 
Peinture à l'huile (feutre) sur toile (papier machine de merde)


détail

Les gens dans la rue semblaient très fiers de leur banderole. Moi aussi j'aimais bien les banderoles, mais là j'avoue que la revendication m'échappait un peu. J'aimais celles ou on écrit "mort aux capitalistes" ou "à bas le patriarcat". Mais "bonne retraite Nicole", c'est un combat qui me semblait un peu lointain. J’aurais été prêt à m’intéresser à l'histoire menant à une banderole "Nicole démission", "Nicole en prison", ou encore "la jeunesse emmerde Nicole"...
Mais là... vraiment... un drap et deux tasseaux, ça me semblait un peu cher payé pour faire passer un message aussi consensuel.
...
Le chien à coté de moi m'a regardé dans les yeux, j'ai eu l'impression qu'il essayait d'établir une connexion télépathique. Il s'est mi à tousser, puis il a vomi un drapeau du PCF. Après avoir craché et toussé à nouveau pendant quelque secondes, il a parlé dans ma tête.
"Là je sais que tu dois te dire qu'on en a rien à foutre de Nicole qui prend sa retraite. Et que gâcher deux tasseaux et un drap pour ça c'est vraiment une attitude de petits bourgeois pourris gâtés de merde."
Il avait tord, je pensais que c'était la première expérience télépathique de ma vie. Et que le chien qui l'avait initié avait une latence de quelques secondes dans la lecture de mes pensées. Il me regarda encore avec un air concentré pendant quelques secondes (à peu près 3) et répondit.
"ta gueule, je sais lire depuis à peine six mois, et les pensées c'est hyper dur à lire, d'ailleurs ta grammaire mentale est à chier, on dirait un dromadaire lobotomisé sous LSD"
j'ai pensé
"Drapatalouf, dromodulésdé, kraztatroidéptichien Jean pierre Marielle"
il a passé ses trois dernières secondes de conscience à sonder mon âme avec ses petits yeux fourbes, inquisiteurs et bleus. Puis il s'est mi à convulser. Je lui ai balancé un coup de pied magistral, il a plané en direction de la banderole de cette connasse de Nicole et a provoqué la chute des dévoués collègues qui la portaient.
L'un d'eux s'est empalé sur son tasseau et a roulé jusque sur la route, une voiture tentant de l'éviter à roulé sur le visage du deuxième porteur.
J'ai essayé d'applaudir, je me suis rappelé que je n'avais pas de main gauche, alors j'ai continué ma route.
Cette nuit là, je n'ai pas fait de cauchemars, 


[o]

mercredi 18 janvier 2017

zouip/paf




"Alors"
Il s'est assis, m'a regardé. Il s'est relevé, m'a reregardé. Il s'est rassit, il a regardé le fil qui pendait de mon col dont il venait d'arracher le bouton doré et frappé d'une ancre.
"Alors, vous écrivez très mal aujourd'hui, qu'est-ce qui vous arrive ?"
Je savais qu'il me regardait fixement, décoré de son horrible sourire bienveillant, mon regard s'est mis à balayer le sols poussiereux à la recherche de mon bouton. 
Il a reculé sa chaise tout en restant assis, s'est penché en avant, a roulé sous la table, et a tenté de croiser mon regard. J'avais été plus rapide que lui, je cherchais maintenant mon bouton au plafond
Il s'est relevé en projetant la table en l'air et a fait basculer ma chaise, j'ai dirigé ma chute de manière à tomber face la première sur le béton ciré, j'ai cherché mon bouton dans la petite vingtaine de centimètres carrés de poussière et de sang qui constituaient mon nouveau panorama.
C'était beau, on aurait dit les moutons de panurges dans la mer rouge, j'ai un peu rigolé avant de repenser à mon bouton.
Il est descendu à l'étage inférieur et a entrepris d'en défoncer le plafond à coup de burin, quand il a percé le sol sur lequel j'admirais le paysage, ma mer rouge a coulé sur son front et l'a forcé à fermer les yeux. Je me suis décalé de quelques centimètres mais j'ai été très déçu par le nouveau paysage. il y avait moins de moutons, presque pas de sang, et un bouton doré grossièrement décoré d'une ancre dessinée de manière assez stéréotypée, très éloignée de la réalité de la construction navale du 21è siècle.
J'ai commencé à ramper sur le sol en me débarrassant de mes liens, puis, une fois libéré, j'ai continué à ramper parce que je n'avais pas envie de marcher. J'ai essayé de marcher avec ma langue mais le sol avait goût de sang et de poussière et de béton et de semelle de fonctionnaire et aussi un peu de cannelle. j'ai craché en faisant la grimace de dégoût la plus expressive possible, puis j'ai essayé de marcher avec mes paupières. ça a très bien marché, je suis sorti en trombe de la pièce, puis de l'étage, puis du bâtiment et je suis rentré chez moi.
c'était décidé, jamais plus je n'irais à Leroy Merlin.
  [o]  <====== rampes ta souris jusque là et cliques

mercredi 4 janvier 2017

Tigre de papier


Ayant passé l'essentiel de sa vie enfermé dans un fort, avec pour seule fonction d'incarner un simulacre de danger dans un jeu télévisé, Romuald connaissait fort bien l’exploitation des indigents par les structures sociales et économiques et la contradiction qu'elle impliquait avec ses intérêts de prolétaire issu du monde animal. Sa libération intellectuelle, directement suivie par la lecture de Marx, lui permit de tempérer sa souffrance quotidienne par la perspective d'une amélioration de ses conditions de vie et de travail. Dés qu'il eu monté un syndicat et initié une courte grève des rugissements, sa condition de tigre de papier fut transposée à la modalité du salariat en lieu et place de l’esclavage dans lequel il avait exercé jusqu'alors. La reconnaissance de l'injustice de sa situation précédente par l'administration du fort lui permit même de négocier un salaire au dessus de la moyenne et d'obtenir une mutuelle dentaire lui permettant d'assurer la pérennité de ses principaux outils de travail.
Sa condition sociale plutôt confortable lui permit de ménager encore davantage de temps pour se consacrer à l'étude des sciences politiques. À partir de sa première lecture de Lénine, il eut systématiquement un coup d'avance sur la direction. Chaque action entreprise par le syndicat menait à la capitulation des décideurs du fort et à l'acceptation sans conditions des revendications félines. En moins de 6 mois, il obtint le statut de salarié en lieu et place de l’intermittence dans laquelle ils avaient exercé jusqu'alors pour tous les autre animaux du fort, l'égalité des salaires pour tous les employés et la propriété collective de la cage aux tigres pour laquelle les gestionnaires avaient naïvement imaginé pouvoir demander un loyer à ses occupants.
Enfin, après avoir rallié à sa cause les BRS* envoyés par les producteurs de France2 dans le but de casser la grève, Le syndicat tigré obtint le droit de dévorer tous les participant de l'émissions qui viendraient à tomber dans la fosse.
Vincent, alors qu'il funambulait précisément au dessus de la fosse en question, fut assez décontenancé d'apprendre cette nouvelle.

*Bonobos Républicains de Sureté

[o]