lundi 24 avril 2017


J'ai fait les 23h de la BD 2017.
Je me suis trompé, j'ai fait 120 pages au lieu de 24.
Tu peux lire le résultat ici, ça parle de conquête spatiale, de camping et de capitalisme sauvage.



III

Qu'est-ce qu'ils ont mangé à la cafète de la maternité ? l'histoire ne l'a pas retenu, et d'ailleurs ont s'en fout un peu... Quand un enfant nait adulte et capable de parler et de reconnaitre un singe hurleur, qu'importe que son premier repas ait été un hachis parmentier dégueulasse, une quiche lorraine ratée ou un gratin dauphinois immangeable.
Ce que Monsieur Jipégé a retenu par contre, c'est qu'il y avait de la tarte aux fraises au dessert. Pendant les 5 premières années de sa vie, c'est à dire jusqu'à ses 35 ans, il a pensé détester la tarte aux fraises. Cette crème pâtissière acide coincée entre des fraises verdâtres et une pâte à peine plus sablée que ma sœur. Quand il s'est rendu compte que l'objet de son dégout était la nourriture d’hôpital et non la tarte aux fraises, il n'a plus mangé que ça pendant 3 semaines. Il s'est remis à la salade grecque quand il s'est rendu compte que sa mobilité s'était retrouvée sérieusement diminuée par sa nouvelle passion.
C'était un mardi. Ce jour là, Monsieur Jipégé avait englouti 2 tartes format familial avant de se rendre sur le port pour finir son boulot. C'était des tartes grand luxe. faites maisons par le pâtissier qui exerçait au rez de chaussée de l'immeuble dans lequel il venait d'aménager.
Il avait habité un temps deux immeubles plus loin, au dessus de son bureau. Mais il ne supportait plus d'avoir à marcher autant pour aller chercher à manger. Alors il s'est installé au dessus de son fournisseur, dans un appartement au moins trois fois plus grand que le précédent, et avec un frigo king size. De toute façon, il pouvait se le permettre. Les as de l'organisation pourraient objecter qu'il n'avait qu'à acheter ses tartes de la journée le matin de manière à éviter les allez et retours. Quels naïfs. Ça va bien pour vos tarte à deux balles, mais les tartes de Monsieur Jipégé, elles étaient commandées à l'avance et cuisinées de manière à être prêtes à des heures bien précises. À chaque échéance, Monsieur Jipégé se rendait chez le pâtissier qui avait déjà recouvert de crème pâtissière le fond de tarte encore tiède. Le chef attendait qu'il soit arrivé, puis il disposait les fraises sur la crème, en cercles concentriques, pendant que Monsieur Jipégé salivait. Puis il posait la tarte sur le comptoir avec une cuillère et une serviette en papier. Monsieur Jipégé attrapait la tarte à deux mains, la pliait en deux et l'expédiait aussi sec au fond de son estomac. Puis il posait un billet de 50 € sur le comptoir et partait en disant " même chose à cinq heures" ou "même chose à 4 heures", selon qu'il se sentait un encore petit creux ou pas.Évidement, 50 € la tarte c'était pas à la portée de tout le monde, mais Monsieur Jipégé s'en foutait bien, puisqu'il était le premier homme à être né adulte, qu'il avait précipité un nouvel âge d'or du kung fu à peine deux ans plus tard et qu'il venait tout juste de trouver un nouveau boulot en tant que détective, payé 2000 € par jours, plus les frais, qui incluaient les tartes aux fraises. 

Ce jour là donc, Monsieur Jipégé avait plié deux tartes et s'était rendu au port pour finir de superviser le déchargement du super porte-conteneur "l'huitre pourpre". Superviser n'était pas vraiment une tâche à la hauteur de ses talents de détective, mais la paie était tout à fait suffisante pour qu'il s'accorde à faire un petit écart par rapport à son cœur de métier. Un peu avant 19h, le dernier conteneur avait été ouvert et les caisses étaient entassées sur le quai. Monsieur Jipégé s'était assit sur l'une d'elle et essayait de déchiffrer les inscriptions qui les couvraient. au milieu des glyphes coréens, il cherchait un logo en forme de maison avec un lézard dedans. Comme il était le premier être humain à être né adulte et qu'il possédait des capacités cognitives hors normes, il l'a trouvé en quelque secondes dans la foule des idéogrammes illisibles. Il a fait signe au conducteur du porte palette qui avait une tête de méchant russe dans un film de gangster. "Camion de droite !". Le conducteur avec une tête de méchant russe a chargé la caisse dans le camion de droite. Monsieur le superviseur Jipégé, qui connaissait sa mission, est monté à l'avant du camion chargé des 5 caisses décorées de maisons lézards. Il a dit au conducteur qui avait une tête de conducteur normal. "c'est tout pour nous, on y va, les autres s'occuperont des caisses qui restent."Le conducteur l'a regardé avec un air approbateur avant de répondre "Attention, derrière t...". Là, Monsieur Jipégé a supposé qu'il voulait dire "attention, derrière toi", puisqu'on l'avait attrapé par le cou et éjecté du camion à une vitesse suffisante pour qu'il ne puisse pas entendre la fin de la syllabe. Pendant qu'il roulait par terre, Monsieur Jipégé a pu apercevoir le type avec une tête de méchant russe se glisser par la portière qu'il venait de franchir en marche arrière. Le camion a démarré tellement vite qu'il a laissé une bonne dizaine de grammes de pneu fondu à son point de départ. Monsieur Jipégé s'est relevé et a essayé de courir après le camion, mais il a senti que les tartes au fond de son estomac étaient en désaccord avec sa politique de mouvements soudains. Ses muscles se sont figés. Il a vomi un bonne demi tarte sur le tas les traces de gomme du camion, puis il s'est couché sur le dos en attendant que son oreille interne veuille bien lui indiquer dans quel sens était sensée opérer la gravité.
À ce moment là, il s'est dit qu'il allait ralentir son rythme de pliage de tarte à la fraise et qu'il allait recommencer à pratiquer l'aspiration de salade grecque.

[o] <=== tarte